CARABINS – Championnats provinciaux universitaires d’athlétisme 2023
Il y a plusieurs images monochromes dans cette série, dont le rendu est (à dessein) de faible fidélité. Pourquoi ce choix? On perd du détail, mais aussi de la couleur (via un aplatissement chromatique) et de la netteté (la mise au point est souvent approximative).
Au-delà de la nostalgie que j’éprouve souvent pour les appareils d’autrefois, il me semble que ce choix me permet de mieux rendre compte de la fugacité de ces instants, dont on ne gardera le plus souvent qu’un bref souvenir, en proie à cet état de flot qui nous plonge si près du moment présent, au cœur de l’action, et dont on en ressort presque amnésique. La brutale imperfection du rendu témoigne à mes yeux de cette incroyable intensité qui caractérise la performance athlétique, dont on n’est jamais sûr·e du résultat.
Je me suis rendu compte que ma pratique en photographie était parfois assez nihiliste. Je m’explique : au moment de produire des images, je focalisais beaucoup sur des éléments formels et secondaires (comme la teinte particulière de la couleur verte dans l’image), ce qui m’amenait à ignorer des choses fondamentales dans la composition (comme un visage qui grimace). Et ça m’a causé une certaine gêne, d’une part par culpabilité (mes rendus sont souvent laids et ratés, ce que je constate fréquemment lorsque je retourne voir des tirages passés), d’autre part parce que je me suis imaginé pour la première fois ce que cela faisait d’avoir une image de soi produite de cette façon, c’est-à-dire sans trop égard à la manière dont on est personnellement mis en valeur. Les gens n’ont que faire de mon plaisir esthétique : ils préfèrent avoir de belles images d’eux-mêmes (est-ce que j’ai envie de voir des photos laides de moi?). Lorsque la photographie n’est plus au service du sujet, qu’elle devrait pourtant mettre en valeur, mais du seul photographe, alors je pense qu’on peut effectivement parler d’un plaisir nihiliste, d’une démarche egocentrée.
En tant que photographe amateur sans visée journalistique, je vais donc assumer cette étiquette. J’ai envie de produire l’image, de participer moi aussi à cette fabrique de la représentation, de pouvoir dire : «Ça! c’est moi qui l’ai fait, c’est moi qui ai choisi que cela apparaisse et que cela apparaisse de cette manière-là!». (Je n’entends pas par là photoshopper les images pour les manipuler – non, je parle plutôt par exemple de choix de cadrage ou de techniques pour développer des photographies numériques à partir du fichier d’informations brutes du capteur.) C’est d’une grande naïveté qui découle d’une aversion pour le choix par défaut, du non-choix que revient d’accepter les décisions du fabricant quant au niveau de proéminence des noirs, de la vivacité de l’orange cette journée-là, ou encore du ratio 4:3 imposé par mon capteur.
L’un de mes détails préférés dans le stade de McGill, c’est l’afficheur numérique. C’est un vieux panneau qu’on ne retrouve pas ailleurs et qui ajoute une touche visuelle dans l’arrière-plan que j’aime beaucoup – donnant un aspect à la fois technique, rétro et distinctif. Je l’ai surtout cadré dans les épreuves de 4x400 mètres.
Bonus track version : l’album web contient une sélection méli-mélo plus étendue.
Je trouve dommage d’éclipser autant de personnes de l’équipe (ce n’est pas volontaire – j’avais bien sûr mes épreuves à faire), en particulier l’équipe d’encadrement, dont je n’ai tristement pas de pixels à offrir. Éric, Pierre-Antoine, Stéphanie, Laurence, et les autres : merci pour votre brillance intrépide, votre passion indéfectible, votre soutien visionnaire. C’est grâce à vous s’il est possible de pratiquer l’athlétisme sous la bannière des Carabins de l’Université de Montréal. Vous avez fait la preuve qu’il est possible de rivaliser avec les grandes équipes, à défaut d’avoir un programme digne de ce nom. Vous êtes des gens de cœur, des gens d’ambition, des gens de passion. Vous êtes l’équipe universitaire que j’aurais enviée si je n’en avais pas fait partie.